Il est de ces albums qui font leffet dun pavé dans la mare. Rien nest plus comme avant après leur passage. Et « Reign in Blood » a été cet ouragan qui a balayé le Thrash en 1986. Et le Metal en général, car quand on porte létiquette dalbum « le plus violent de lHistoire du Metal », on ne peut limiter ses déflagrations quà un seul genre. Si on met de coté laura dont a bénéficié SLAYER après avoir sorti cet OVNI, « Reign in Blood » est aussi un album problématique. Comment succéder à pareil effort ? Comment faire plus que ces 27 minutes de brutalité sans nom ? Tout ce quaurait pu sortir le groupe après « Reign in Blood » aurait forcément eu un coté « petit bras ». Et ce nest pas les critiques (des fans et de la presse de lépoque) de « South of Heaven » qui me contrediront. Non, on ne pouvait pas faire « plus » que « Reign in Blood ». Mais on pouvait faire mieux.
Et cest ce que SLAYER a fait avec « Seasons in the Abyss ».
« Seasons » est le chef doeuvre de SLAYER et de ce fait leur meilleur album. Les rois du Thrash ont non seulement fait « plus » que tout le monde, mais avec cet album ils ont aussi mis un point final au genre. Les contours et le pic de la montagne Thrash en quelque sorte.
Cet album respire de bout en bout la puissance maîtrisée. Toutes les facettes du groupe y sont magnifiquement présentes : la puissance naturelle, les riffs terribles, les accélérations véloces, la totale inspiration... « Seasons » est un récital unique, celui dun groupe majeur dans la plénitude de ses moyens. Comme cela arrive quelquefois dans lHistoire du Metal. Il est à ranger aux cotés des chefs doeuvres métalliques que tous les amateurs de Metal se doivent de posséder. Pas moins.
Car il sagit bien de lalbum proprement inusable, qui a cet avantage par rapport au terrible « Reign in Blood » de pouvoir plaire à un public plus large, même aux allergiques du groupe. On est pourtant loin de la tentative de séduction, car SLAYER na pas cherché à mettre de leau dans son vin (ignoble pratique sil en est). Bien au contraire, « Seasons » possède son lot de tueries, et de brutalités. Mais chaque morceau est le produit dune capitalisation des précédents opus, dont les variations auront pour conséquence de vous emmener toujours plus loin toujours plus haut tout au long de la galette. Cette totale maîtrise du sujet rend le Thrash brutal et haineux de SLAYER abordable sur cet album.
Cette accessibilité est en pratique due à deux autres choses : lapport mélodique (non vous ne rêvez pas) et la modulation dARAYA. En effet, chaque pépite qui orne lalbum a été soigneusem*nt pensée : que ce soit un refrain en béton armé, des soli magnifiques (nen déplaise à MALMSTEEN), ou encore des riffs du tonnerre... Aucun morceau ne rebute par sa violence. A tous les coups, il y a une porte daccès pour lauditeur lambda. SLAYER en devient presque lisse et dune fantastique hom*ogénéité. Pour cela, il a fallu opérer des changements dans lapproche du groupe : on note ainsi un tempo moins élevé et surtout un ARAYA qui alterne hurlements et un chant plus classique. On pourrait crier au scandale devant tant dinfamies (SLAYER est mélodique wooo wooou la honte SLAYER cest devenu des tapettes) mais le résultat est là tel un monolithe incontournable : ça déchire comme jamais SLAYER na réussi à déchirer.
Car si SLAYER ouvre les débats avec « War Ensemble », ce nest pas anodin. Quel titre pouvait aussi bien représenter lhéritage de « Reign in Blood » ? Qui plus est placé en ouverture, cest un gros clin doeil qui semble nous dire : « vous pensez quon nest plus capable de jouer vite ? Ah ah ah ». Pied au plancher du début à la fin, on ne pouvait pas faire de liminaire plus agressif : refrain guerrier, riffs rageurs, solis infernaux... SLAYER nous fait la totale. De lautre coté, « Dead Skin Mask » : refrains mid tempo, chant quasi clair, riffs sombres et mélodiques. SLAYER pose une ambiance torturée, angoissante qui colle parfaitement avec la thématique choisie (chère au groupe Cf. « Divine Intervention ») puisque ça cause de serial killer et du lugubre Ed GAIN. Pour loccasion, ARAYA semploie à marteler ce refrain légendaire en donnant à sa voix des intonations à la limite de limprécation.
Encore sil y avait quelques morceaux un peu plus faibles que les autres... Mais même pas ! Non seulement TOUS les morceaux valent leur pesant de cacahouètes grillées, mais SLAYER se pait de surcroît le luxe de naligner que des morceaux différents. De ce fait, aucune répétitivité (donc aucune lassitude) ne vient entacher lalbum, ce qui est à proprement parler un tour de force. Comment comparer des morceaux comme « Born of Fire » (brutale, intense, décélération à pleurer tellement cest bon) avec le surprenant « Skeletons of Society » (sombre, refrains mid tempo, riff pesant... presque DOOM dans lapproche) ?
Prenez la structure de lalbum dans son entier. Tout a été pensé autour des trois tubes de lalbum (War Ensemble / Dead Skin Mask / Seasons in the Abyss), répartis de façon à contrebalancer les deux facettes principales du groupe de chaque coté. De « War Ensemble » à « Dead Skin Mask », cest le groupe avec ses refrains catchy, grattes accrocheuses comme du velcro, tempo rapide et recherche de mélodies. Puis de « Hallowed Point » à « Born of Fire », on retrouve SLAYER où a priori on ne lattendait plus : un thrash haineux, sombre, violent, carré, et ses fameux breaks mid tempo à sempaler de bonheur. Et pour parachever le tout, SLAYER opère dans un registre encore inconnu avec « Seasons in the Abyss » : la Thrash ballade. Une conclusion sombre à souhait, avec intro en arpège inquiétant, on pressent la terrible montée en puissance qui vient crucifier le chef doeuvre.
En réalité, cet album a un défaut : il est trop parfait. Cest le syndrome des albums Best Of. Tout paraît terne à coté. Et la jouissance immédiate est si forte... Comment aller plus loin ? On ne peut plus faire mieux. La boucle est bouclée. On est en 1990 et SLAYER vient de tuer le Thrash.
Note : 6/5 (je sais, je viens de griller mon dernier fusible).
Chanson préférée du Canard : Dead Skin Mask
Chansons cultes : War Ensemble, Dead Skin Mask, Seasons in the Abyss